samedi 15 février 2025

Le bon temps...


Quand je faisais mes humanités au lycée de Biarritz, j'avais des camarades fâchés avec les études. Pareille négligence leur avait valu l'exclusion de l'établissement. Pour les mettre dans le droit chemin, leurs parents, d'honnêtes commerçants catholiques, les envoyèrent au collège Notre-Dame-de-Bétharram, non loin de Pau, tenu d'une main ferme par des ecclésiastiques. Internes, privés de sortie certaines fins de semaines, ils nous racontaient, quand venait le temps des vacances, les châtiments corporels qu'enduraient les jeunes garçons de la part des messieurs en soutane. Ils nous dirent même que d'aucuns, parmi ceux-là, furent initiés aux mystères de l'amour sodomite par ceux-ci. En entendant ces témoignages, je me disais que s'il faut administrer des corrections à des garnements sans oublier de les introduire à la pratique de certains plaisirs charnels, autant confier pareille tâche à des hommes de Dieu dont je ne puis douter qu'ils sont pénétrés de l'amour du Christ. Aujourd'hui je continue de penser qu'il est essentiel d'honorer les racines chrétiennes de la France. 


 

mercredi 5 février 2025

Rousseau et moi


En traînant à la Chambre d'amour, hier, je pensais à Jean-Jacques Rousseau. Comment l'auteur des Rêveries du promeneur solitaire a-t-il pu rédiger Le Contrat social et deux projets de constitution, l'un pour la Corse, l'autre pour la Pologne? Que lui importait le destin politique de ces contrées et de leurs peuplades? Moi qui pourrais intituler la somme de mes billets Les Songeries du traîneur balnéaire, je suis incapable de réfléchir à l'établissement d'une constitution du Pays basque ou, même, de la France — laquelle, dit-on, en dispose déjà d'une. Quant à élaborer une théorie du contrat social, la chose me paraît plus éloignée de moi encore tant je tiens les humains pour un ramassis de canailles ingouvernables. Rousseau, me suis-je dit, était donc un faux contemplatif. Eût-il été absorbé par des idées flottantes, il n'aurait pas suscité l'admiration du jeune Bonaparte — ni les railleries de Voltaire. «En tout cas, ce n'est pas à moi qu'on fera le sale coup de transporter mes cendres au Panthéon», me suis-je dit en recevant les tendres baisers des embruns. 


 

dimanche 2 février 2025

De la xéno-anxiété


«Il est des idées d'une telle absurdité que seuls les intellectuels peuvent y croire», écrivait George Orwell. C'est le cas de son idée de common decency (décence commune), vertu à laquelle il croyait et qu'il prêtait aux gens modestes — au «peuple», comme on dit chez les politiciens et les militants de tout poil. Le «sentiment d’une submersion migratoire» partagé par près de 70% de Français apporte la preuve irréfutable de leur décence, celle de l'honnête commerçant que Jean Carmet incarnait à l'écran dans le film d'Yves Boisset Dupond Lajoie (1975).


 

jeudi 30 janvier 2025

Conte d'hiver


En traînant à la Chambre d'amour, j'ai vu des écriteaux fixés sur des barrières mettant en garde les promeneurs contre les submersions que pourraient causer les puissantes vagues océanes. Décidément, me suis-je dit, le mot «submersion» revient souvent en ce moment. Peut-on avoir le sentiment d'être submergé par une forte marée, sentiment semblable à celui que, paraît-il, éprouveraient mes concitoyens relativement aux vagues migratoires? Le problème avec les métaphores, me suis-je dit, est qu'elles frappent les entendements limités, raison même de leur efficacité idéologique, psychologique, surtout. Ainsi, quand je vis un quidam désireux de passer outre aux interdictions de franchir les barrières de la promenade submersible, je lui demandai s'il ne craignait pas de se faire engloutir. Il me répondit que le danger réel venait des flux de migrants arrivés de la Méditerranée. «Ne soyez pas dans le déni!», ajouta-t-il avant de pousser le garde-fou. À peine avait-il fait quelques pas dans la zone prohibée, qu'une vague se jeta sur lui. Il disparut dans l'écume. Submergé par la tristesse, je retournai chez moi en méditant sur les effets pervers de la rhétorique.


 

mardi 28 janvier 2025

Reste celui que tu es


Après avoir relu mes ouvrages, je me suis dit que leur indéniable qualité est que nul autre que moi eût pu les écrire — qualité qui ne semble pas compter pour nombre d’auteurs concernant les leurs.



 


 

dimanche 26 janvier 2025

Enfin !


Merci à la prestigieuse amicale occitane Riem branlar al païs pour m'avoir décerné son prix tant recherché!

 

mardi 21 janvier 2025

Signalement


En traînant à Biarritz, je me suis arrêté au Plaza. J'avais emporté avec moi Dégénérescence, le livre de Max Nordau (1849-1923), doctrinaire, avec Théodore Herzl, du sionisme. C'est à ce médecin psychiatre, élève de Jean-Martin Charcot et admirateur de Cesare Lombroso, que les nazis doivent la conception d'art dégénéré — Entartete kunst. Je me retrouve dans chaque page de l'ouvrage. Sur le plan philosophique: «Les dégénérés […] sont le public prédestiné de Schopenhauer». Sur le plan psychologique: «À l’abattement caractéristique du dégénéré s’allie, en règle générale, une aversion pour toute action, […] un éloignement du monde et un mépris des hommes». Sur le plan intellectuel: «À l’incapacité d’agir se rattache l’amour de la rêverie creuse.» Sur le plan de la sensibilité: «Il se réjouit de son imagination, qu’il oppose au prosaïsme du philistin, et se voue avec prédilection à toutes sortes d’occupations libres qui permettent à son esprit le vagabondage illimité». Sur le plan politique: «Il sera difficile aussi de nier que la dégénérescence fait […] le fond des écrits […] de beaucoup […] d’anarchistes.» Sur ce dernier point, je préciserais, en ce qui concerne mon cas: anarchiste de salon de thé. Sur le plan physique, je ne souffre pas du nystagmus qui affectait les pointillistes et les impressionnistes, je n'arbore pas des oreilles longues et pointues, «caractères simiesques» qui prouvaient le retard mental de Mallarmé, ni la « psychopathie sexuelle» de Zola. Mais ne parlons pas trop vite. Ma dégénérescence continue. 


 

vendredi 17 janvier 2025

D'une notion de flic


Le ministre Bruno Retailleau désigne certains citoyens comme des "Français de papiers", voulant dire par là que ces derniers, des "migrants" venus d'anciennes colonies françaises, ayant bénéficié d'une naturalisation plus ou moins récente, ne sont pas d'authentiques français. L'État colonialiste disait la même chose à propos de leurs aïeux Indochinois, Algériens, Tunisiens, Sénégalais, Maliens, Ivoiriens, Voltaïques, etc., avant l'indépendance de leurs pays. Le Cochinchinois, le Maghrébin et le Noir africain étaient, pour les gouverneurs et les petits Blancs, des Français mineurs. Pour Retailleau, une carte d'identité délivrée par la république ne constitue pas un certificat de "francité". "Être français, dit-il, c'est partager des valeurs". Quelles sont ces valeurs pour Retailleau? Est-ce lui qui donnera des certificats d'authenticité française? Moi qui suis français, comme l'attestent mes papiers, je pourrais me sentir plus français que lui s'il fallait que je m'en tienne au critère de la culture générale. Je pourrais me sentir plus français encore que la multitude de mes concitoyens qui se vantent de leurs racines et qui ignorent tout de leur histoire, qui se recommandent d'un héritage judéo-chrétien sans rien connaître des textes religieux et des œuvres des pères de l'Église, qui parlent des Lumières par ouï-dire. Au reste, quand il m'arrive de discuter avec eux, j'ai le sentiment d'avoir affaire à des étrangers tant ils saccagent leur langue en usant de baragouins en vigueur dans les écoles de commerce, les entreprises, les médias. Pourtant, ce sont des Français. L'état civil le confirme. Lui seul dit qui est français ou non. Tout autre critère d'identité relève d'une philosophie de flic.




 

mercredi 25 décembre 2024

Le pays en miettes


Après le passage de l'ouragan, on peut comparer Mayotte à Gaza après les bombardements d'Israël. Les autorités préfectorales taisent le nombre de victimes. Officiellement, les ruines n'ensevelissent pas des milliers de morts. En période de fêtes, plus qu'en temps ordinaire, la vérité ne peut être une information. À la fin de son poème, De Rerum Natura, Lucrèce évoque la peste d'Athènes qui annonça le déclin de la puissance grecque. Le spectacle de Mayotte dévastée, qui, depuis toujours, est administrée comme une colonie, illustre la décomposition de la France.

samedi 21 décembre 2024

Merci à l'Académie du Sabotage


Après avoir reçu le prix Jules Bonnot 2024, mon Précis est une fois de plus honoré. 


Très estimable Frédéric Schiffter,


Chaque année, les membres de notre discrète académie se réunissent dans un lieu tenu secret afin de récompenser un ouvrage qui conforte chez ses lecteurs une allergie à cette activité sans aucune valeur appelée «travail» et, partant, les encourage à s’y soustraire par tous les moyens, même légaux. Trop rares sont les incitations à ces formes de sabotage telles que, entre autres, l’absentéisme, la démission silencieuse, le chômage volontaire, le cheficide, le je-m’en-foutisme actif, pour que nous ne les saluions pas, d’autant que vous les donnez à lire dans une écriture claire et distincte. Le style ne doit pas sentir la sueur. Votre précis sent le frais. Puisse-t-il oxygéner le cœur des forçats du salariat.

 

 

Anne de L’Estagnas

Secrétaire éphémère 

   de l’Académie du Sabotage   

 


 

samedi 14 décembre 2024

Note sur les réactionnaires du dimanche


Pourquoi une tête plate, semi instruite, voire diplômée, bêtement de droite, cherche-t-elle à apparaître comme «réactionnaire»? Parce que c’est plus chic. En se prétendant réactionnaire, la tête plate pense qu’elle confère à ses opinions d’épicière partisane de l’ordre une allure plus noble. Si elle vote Sarkozy, Macron, Le Pen, Zemmour, en déclarant qu’elle se coiffe de tel ou tel auteur qu’elle n’a pas la capacité de lire comme Péguy ou Bernanos, le plus souvent elle cite par ouï-dire Muray, Camus (Renaud), Millet — qui serait davantage à son niveau. Vraiment réactionnaire, la tête plate connaîtrait bien les «prophètes du passé», comme les appelait Barbey d’Aurevilly, à savoir de Maistre, Bonald, Chateaubriand, auxquels j’ajouterais Schopenhauer, Nietzsche et Baudelaire, et, pour aujourd’hui, les visionnaires Cioran, Albert Caraco, Nicolás Gómez Davilá. Ce que ne comprend pas la tête plate, toute à sa culture littéraire de seconde main, c’est que fréquenter les œuvres de pareils écrivains n’a pas pour but de se démarquer du progressisme, de la bien-pensance, du «politiquement correct», de la doxa bêtement de gauche, mais de s’adonner au plaisir de chouanner en solitaire dans sa chambre contre l’époque présente sachant qu’elle a hérité, sans exception, des ridicules des époques passées, et ce, depuis la préhistoire.