vendredi 19 juin 2020

Spinoza, philosophe pour tristes sires


La joie de Spinoza 
en train de se relire

Je n’ai jamais rien retiré de la fréquentation des œuvres de Spinoza. Ni plaisir de lecture, ni profit pour ma jugeote. Passe encore qu’il donne à la nature le sobriquet de Dieu. Mais quand, après un enchaînement d’axiomes, de définitions, de scolies, dans lesquels il rappelle que nous sommes déterminés par nos affects, il annonce in fine que nous pouvons accéder à la sagesse, ce gros morceau intitulé l’Éthique me semble dur à avaler. Or, j’ai toujours été étonné que des amis philosophes puissent en faire leurs délices et en gober les incohérences. En fait de géomètre des passions, Spinoza reste pour moi un as de l’obscurité et de la confusion, surtout un platonicien qui s’ignore — vérité que ne veulent pas voir non plus les spinozistes. Car enfin, quelle est cette figure du sage qui apparaît au livre V de l’Éthique, sinon celle de l’Homme idéal ne pouvant loger ailleurs que dans le monde intelligible de Platon et, son amour intellectuel de Dieu, ni plus ni moins qu’une resucée de la vision bienheureuse du Vrai en soi. On sait que pareil phantasme d’un sage se baladant parmi les mortels sur le petit nuage du Souverain Bien, existait déjà chez Épicure. Hédoniste blasé, l’Ecclésiaste (clic) eût dit à ces deux professeurs de béatitude: «Ne soyez pas plus sages qu’il n’est besoin de peur que vous en deveniez risibles».              

3 commentaires:

  1. Cher Fréderic, Je viens de terminer la lecture de l'Ecclésiaste et de votre remarquable préface. Merci de vous en prendre aux spinozistes en quête de béatitude que j’ai toujours considéré sympathiques mais un peu illuminés et nullement convaincants. J’ai noté avec joie que la traduction a très judicieusement remplacé "poursuite du vent" par "brassage d'air". Un choix parfait. Etant à l'arrêt professionnellement depuis quelques temps, j'observe mes semblables. Oui, le spectacle est bien celui d’un incessant et hystérique brassage d’air. Visiblement, être masochiste semble pour beaucoup le meilleur moyen de se sentir exister. Et de chasser de leur conscience l’idée de leur mort prochaine ou lointaine. La lecture et l’étude de l’Ecclésiaste devraient être rendues obligatoires dès l’école primaire. Elle sont plus efficaces que n’importe quelle drogue. Même si, elles aussi, ne seraient que brassage d’air inutile... Pierre L.

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    1. Cher Pierre,
      Certains brassages d'air nous aident à respirer.
      Très cordialement.
      FS

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  2. J'aimais bien l'image un peu absurde et poétique de la "poursuite du vent". Le "brassage d'air" me semble plus prosaïque, plus contemporain, un peu plus vachard même, mais tout aussi juste.
    Merci pour ce beau commentaire inspiré.
    M.

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