Si je tire fierté d'être l'essayiste le moins lu de France, c'est parce que je suis aussi l'un des mieux lus. La preuve. Voici ce que Arnaud Le Guern — l'auteur du beau roman Du soufre au cœur, fils de Serge Gainsbourg et de Françoise Sagan, "obsédé amoureux", pirate ami des naufragés et qui soulage son dégoût que lui inspire l’immonde environnant par des baisers volés aux jeunes filles, par des heures de lecture et d’écriture, par des cuites entre amis en hommage au monde d’avant —, voici ce que Arnaud Le Guern, donc, écrit sur mon compte dans le magazine Causeur de juillet-août 2010:
"Pour les vieux adolescents ayant abandonné le sport, le surf a longtemps évoqué une chanson des Beach Boys, les nombreux visionnages de Point Break - Extrême limite de Kathryn Bigelow - avec le regretté Patrick Swayze en dirty danseur des spots et des braquages - et les apparitions de Kelly Slater dans Alerte à Malibu.
C'était peu de choses mais ça esquissait une certaine idée de la grâce et de l'été : des mélodies légères, le soleil qui se lève, qui se couche sur la mer, des jeunes filles aux cheveux mouillés, à la peau salée, que Claude Nori aurait pu photographier sur les plages d'Italie. La Petite philosophie du surf de Frédéric Schiffter prolonge le plaisir de ces impressions. Dès les premiers mots, c'est une invitation à la musarderie : "A celle qui m'a jeté dans le creux de la vague". Une phrase plein coeur, de celles que Schiffter cisèle comme personne et qui, recueillies dans de minces volumes – lire Traité du cafard et Délectations moroses -, font de la mélancolie un éclat de beauté à la boutonnière de nos vies.
L'immonde réenchanté
“Philosophe sans qualités” et “penseur de charme”, Schiffter est un réenchanteur triste de l'immonde. L'inverse de Michel Onfray, peine-à-jouir boursouflé de l'autopromotion de ses névroses. Dilettante classieux, Schiffter pose son regard sur les temps où nous vivons, se souvient de Montaigne, de Wilde, de Chamfort et jette ses fulgurances à la gueule du désastre en cours. Dans Petite philosophie du surf : “Les cartes postales colorent l'ennui et offrent aux humains une image rassurante de leur dérisoire présence dans l'univers.”; “La vague est la fille d'un océan tourmenté par une dépression.”; ou encore : “Une vague ne se cache pas pour mourir. Elle aime disparaître sous le regard des hommes.”
Dans la tourmente des flots, Schiffter quête la beauté que portent quelques héros, quelques héroïnes. Les héros s'appellent Mickey Dora, dit the Cat, Greg Noll, dit the Bull, Gerry Lopez pour qui “Le surf nous apprend à affronter la vie”, Tom Curren, Jeff Clark ou Mark Foo, “un des grands riders de Waimea, [qui] meurt noyé dans les remous de gravats liquides au pied des falaises de Mavericks.” Les héroïnes ? C'est du côté de ses braconnages sur le ouèbe que Schiffter dessine la jolie silhouette d'une “flâneuse de l'onde”: "Première journée de juillet. La marée monte depuis longtemps. Comme si leur mécanisme s’épuisait, les séries de vagues arrivent mollement. Couchée sur sa planche, la surfeuse a un peu froid. Elle décide de sortir de l’eau. Elle attend l’ultime vague qui la ramènera sur le sable. Une ondulation se dessine. Elle rame dans sa direction. Elle opère un demi-tour, rame de nouveau vivement pour démarrer et se lève. L’onde lui offre son flanc gauche. Peu puissante, elle lui permet quand même de glisser prestement et de goûter à quelques instants de jubilation. Fin de la session."
Petite philosophie du surf est un livre à glisser dans la poche intérieure d'une veste en lin blanc et à lire, à l'ombre d'une terrasse, face à l'océan, une lucky strike ou une winston bleue comme le ciel aux lèvres, un verre de vin blanc devant soi."
C'était peu de choses mais ça esquissait une certaine idée de la grâce et de l'été : des mélodies légères, le soleil qui se lève, qui se couche sur la mer, des jeunes filles aux cheveux mouillés, à la peau salée, que Claude Nori aurait pu photographier sur les plages d'Italie. La Petite philosophie du surf de Frédéric Schiffter prolonge le plaisir de ces impressions. Dès les premiers mots, c'est une invitation à la musarderie : "A celle qui m'a jeté dans le creux de la vague". Une phrase plein coeur, de celles que Schiffter cisèle comme personne et qui, recueillies dans de minces volumes – lire Traité du cafard et Délectations moroses -, font de la mélancolie un éclat de beauté à la boutonnière de nos vies.
L'immonde réenchanté
“Philosophe sans qualités” et “penseur de charme”, Schiffter est un réenchanteur triste de l'immonde. L'inverse de Michel Onfray, peine-à-jouir boursouflé de l'autopromotion de ses névroses. Dilettante classieux, Schiffter pose son regard sur les temps où nous vivons, se souvient de Montaigne, de Wilde, de Chamfort et jette ses fulgurances à la gueule du désastre en cours. Dans Petite philosophie du surf : “Les cartes postales colorent l'ennui et offrent aux humains une image rassurante de leur dérisoire présence dans l'univers.”; “La vague est la fille d'un océan tourmenté par une dépression.”; ou encore : “Une vague ne se cache pas pour mourir. Elle aime disparaître sous le regard des hommes.”
Dans la tourmente des flots, Schiffter quête la beauté que portent quelques héros, quelques héroïnes. Les héros s'appellent Mickey Dora, dit the Cat, Greg Noll, dit the Bull, Gerry Lopez pour qui “Le surf nous apprend à affronter la vie”, Tom Curren, Jeff Clark ou Mark Foo, “un des grands riders de Waimea, [qui] meurt noyé dans les remous de gravats liquides au pied des falaises de Mavericks.” Les héroïnes ? C'est du côté de ses braconnages sur le ouèbe que Schiffter dessine la jolie silhouette d'une “flâneuse de l'onde”: "Première journée de juillet. La marée monte depuis longtemps. Comme si leur mécanisme s’épuisait, les séries de vagues arrivent mollement. Couchée sur sa planche, la surfeuse a un peu froid. Elle décide de sortir de l’eau. Elle attend l’ultime vague qui la ramènera sur le sable. Une ondulation se dessine. Elle rame dans sa direction. Elle opère un demi-tour, rame de nouveau vivement pour démarrer et se lève. L’onde lui offre son flanc gauche. Peu puissante, elle lui permet quand même de glisser prestement et de goûter à quelques instants de jubilation. Fin de la session."
Petite philosophie du surf est un livre à glisser dans la poche intérieure d'une veste en lin blanc et à lire, à l'ombre d'une terrasse, face à l'océan, une lucky strike ou une winston bleue comme le ciel aux lèvres, un verre de vin blanc devant soi."
Et bien voilà un exemple de très bel expression :)
RépondreSupprimerUn article sur l'essayiste le moins lu de France forcément paru dans le mensuel le moins lu de l'hexagone...
RépondreSupprimerCe serait dommage. Car on peut y lire aussi les décapantes chroniques de Jérôme Leroy — autre doctrinaire du communisme balnéaire.
RépondreSupprimerOui, entre autres belles plumes, j'ai effectivement vu avec plaisir qu'il traînait parfois par ici.
RépondreSupprimerCher Frédéric Schiffter,
RépondreSupprimerJetez un coup d'oeil à votre "courrier indésirable". Vous auriez tort d'ignorer un jeune frère en pessimisme à l'humeur toute aussi frondeuse et chagrine !
Benjamin I