mercredi 21 décembre 2022

De la moraline


Bastien Vivès est un auteur de bandes dessinées qui, dans ses albums, représente des enfants et des adolescents obsédés par le sexe et convoités par des adultes. Je n'ai jamais ouvert l'une de ses BD. Je me fie à ce qu'en disent des personnes de haute moralité qui sont parvenues à interdire l'hommage que devait lui rendre le festival d'Angoulême et qui, aujourd'hui, portent plainte contre lui et ses éditeurs. Je tiens à saluer ici la vigilance de ces gardiens des bonnes mœurs qui m'épargnent la vision de pareilles scènes faisant l'éloge de la pédo-criminalité — lesquelles auraient pu réveiller en moi les basses pulsions du pervers polymorphe que j'étais dans l'enfance.


 

lundi 19 décembre 2022

Décevante catastrophe


En traînant aux Sables d'or, ce matin, j'ai eu l'agréable surprise de n'y croiser personne. J'avais l'impression de revivre les heures du confinement, quand mes concitoyens s'emprisonnaient chez eux pour éviter, croyaient-ils, de mourir. Là, j'ai pensé que c'était la défaite de l'équipe de France qui avait poussé les gens à un suicide de masse. Mais, hélas, vers 14 h, des badauds sont arrivés flanqués de leur marmaille bien vivante. Il y a en moi un reste d'optimisme dont je ne me débarrasserai jamais.


 

dimanche 18 décembre 2022

De l'une de mes infirmités


En traînant au-dessus de la Chambre d'amour, tout à l'heure, je songeais à ce propos entendu moult fois à la radio ces jours-ci, propos selon quoi le football «offre des moments uniques d’émotions partagées par le plus grand nombre». Je me suis souvenu aussi que pour le philosophe Jean-Claude Michéa le «mépris du football était le signe d’une véritable infirmité intellectuelle!» Eh bien, ai-je pensé, si les médias donnent raison à un doctrinaire orwellien, me voilà bon pour une thérapie comportementale. Mais je crains que mon cas soit désespéré pour tout programme de rééducation de mes affects et de mon intellect. Je suis né amputé de la glande pinéale du supportère.


 

mardi 13 décembre 2022

Annie, Jean-Paul et moi


En traînant dans mon lit, je repense à mon dernier billet sur Annie Ernaux. Elle a voulu «venger sa race» et se voit comme un «transfuge de classe». Sartre nous avait servi ce discours de la trahison de classe, mais dans un autre sens que celui d'Annie Ernaux. Elle, elle aurait trahi le prolétariat d'où elle venait pour devenir une bourgeoise, lui, il aurait trahi la bourgeoisie dont il était issu en écrivant des romans engagés à gauche et en servant le peuple avec les maoïstes. Elle, elle aurait honte de sa trahison, lui, il y voyait un devoir. Elle, toute honte bue, est allée chercher son prix Nobel. Lui, le sentiment du devoir qui restait à accomplir, l'a refusé. Et dire que des jobards gobent pareilles tartuferies! Un écrivain ne trahit aucune classe. Il se trahit quand il égare son œuvre dans ce qu'il croit être le sens de l'histoire ou quand il la justifie par des considérations politiques. Il s'abaisse alors au rang d'éditorialiste de la littérature. Maintenant, même s'il n'est pas très beau, j'aime assez le mot de transfuge. Je le revendique pour moi-même. Depuis que je vis sur la côte basque, je n'ai jamais hésité à nager ou à surfer à Biarritz, à Anglet, à Guéthary, à Bidart. Je ne suis ni fier ni honteux d'être un transfuge de plage.


 

dimanche 11 décembre 2022

Annie et moi


En traînant à la plage dite de la Petite Chambre d'amour, je songeais au discours d'Annie Ernaux prononcé devant l'académie du prix Nobel. Sa vocation d'écrivain, a-t-elle dit, fut de «venger sa race». L'expression renvoie, paraît-il, au mot de Rimbaud: «Je suis de race inférieure de toute éternité». «Mazette!», ai-je pensé quand j'ai lu cette phrase d'Annie Ernaux. Pourtant, ai-je pensé encore, dans Les années, un très bon livre, ou dans Passion simple, que je n'ai pas fini, pareil programme vengeur n'est pas frappant. Au reste, mais est-ce parce que la vue de l'océan me distrayait du sérieux de ma réflexion?, que signifie écrire pour se venger? Et se venger de quelle offense? Je me demande si Annie Ernaux ne se monte pas le bourrichon quand elle se peint en combattante. Comme nombre de femmes elle a connu des déboires douloureux et, en contrepartie, comme beaucoup d'écrivains, elle a été professeur de lettres, métier qui laisse assez de temps pour écrire. Son combat fut sa carrière. Son succès, non usurpé, sa victoire. En faisant demi-tour, je me suis demandé si j'aurais la curiosité d'ouvrir d'autres romans d'Annie Ernaux. Dans un délai assez court, j'ai répondu: non. Sans doute ne suis-je pas de la race inférieure. Je me contente d'être d'un genre douteux qu'on ne venge pas.


 

jeudi 8 décembre 2022

Faire le vide


Ce jour, j'ai reçu Les Sermons de Maître Eckhart, publié aux éditions Louise Bottu (clic). Ce mystique à la rhétorique bien troussée invitait les âmes au détachement, voire à l'anéantissement, pour qu'elles accueillent Dieu. Dieu ne peut les visiter si elles s'encombrent des objets de leurs désirs ordinaires. Il faut qu'elles fassent place nette en elles pour cet Invité de marque. Les mystiques ont toujours été considérés par l'Église comme des hérétiques. Elle a persécuté ces amoureux de l'absolu qui n'ont que mépris pour les rouages d'une institution qui exige qu'on atteigne Dieu en gravissant les échelons qu'elle impose. Comme Thérèse d'Avila, Jean de La Croix, comme Margueritte Porette, une béguine auteur d'un ouvrage — Le miroir des âmes simples anéanties — qui lui a valu le bûcher, Eckhart pense que c'est Dieu qui nous atteint quand nous sommes prêts. Ce ne doit pas être mon cas malgré le vide que je fais en moi chaque après-midi. Dieu ne doit pas considérer la sieste comme une épreuve spirituelle.