En traînant, hier, devant ma bibliothèque, j'ai remis la main sur un ouvrage publié en 1980 aux fameuses éditions Champ libre, dont le titre originel est: Tuer un tyran n'est pas un meurtre. Je ne l'ai pas relu en entier. La note de l'éditeur, i.e. Guy Debord, suffit à en comprendre l'esprit et l'actualité. Aussi ai-je placé bien en vue le bref traité de sagesse politique.
"[…] On peut certes dire qu'un livre qui traite du rapport naturel du citoyen et du tyran a beaucoup perdu de son actualité avec les récents progrès de la société mondiale, du fait de la disparition presque totale du citoyen. Mais il est aussi permis de penser qu'il compense cette perte, et au-delà, du fait de la prolifération cancéreuse de la tyrannie: cette tyrannie d'aujourd'hui, si insolemment surdéveloppée qu'elle peut même assez souvent se faire reconnaître le titre de Protecteur de la liberté, si minutieusement impersonnelle, et qui s'incarne si aisément dans la personne d'une seule vedette du pouvoir; cette tyrannie qui choisit à la fois comment ses sujets devront se faire soigner et pourquoi ils seront malades, qui fixe le triste modèle de leur habitat et le degré exact de la température qui devra y régner; l’apparence et le goût qui devront plaire dans un fruit et la dose convenable de chimie qu’il lui faudra contenir; et qui enfin s’est donné la puissance de défier une vérité aussi éclatante que le soleil lui-même et le témoignage de vos pauvres yeux, en vous faisant admettre qu’il est bien midi à dix heures du matin. […]"