Les élections américaines illustrent le propos que je tiens dans mon opus: ce qu’on appelle le «peuple» n’est en rien un sujet historique collectif uni, doté d’une âme, pensant et voulant, mais ni plus ni moins que l’ensemble des citoyens d’un État ayant droit de cité: le corps électoral. Ces électeurs ne se divisent pas seulement en deux camps politiques, mais en divers groupes sociaux, raciaux, religieux, que sais-je, hostiles les uns envers les autres et qui expriment leur division lors d’un scrutin. Qui incarne le peuple aux USA? Les électeurs de Trump ou ceux de Biden? Les partisans du premier, de condition modeste, se prennent pour le peuple américain authentique, défenseur de la suprématie blanche, attaché aux coutumes et valeurs provinciales, opposé aux réformes dites sociétales, porté à admirer un homme qui a réussi qui fait figure de mâle dominant. Je ne sais plus quel observateur a dit que le milliardaire Trump avait rassemblé autour de lui un électorat regroupant les équivalents de la Manif pour tous et des gilets jaunes — les bigots et les mal-lotis. Les partisans de Biden, eux, se prennent pour le peuple américain tel qu’il plaît aux yeux du monde: antiraciste, tolérant, moderne. Il est vrai que les reportages télévisés permettaient de saisir la différence entre ces deux «peuples». Là des gens gros, mal fagotés, fiers de leurs pick-up rutilants à 50000 $ pour lesquels ils se sont endettés, la main sur leurs armes lourdes; ici des cadres métrosexuels et des femmes à la mode, une jeunesse urbaine blanche, noire, métissée, des arcs-en-ciel de gays et de lesbiennes. Au pouvoir, Trump s’est fait — en paroles — le champion de la classe moyenne inférieure. En campagne, Biden a défendu les couleurs de la classe moyenne-moyenne et de la classe moyenne supérieure. L’un et l’autre n’avaient pourtant qu’un mot à la bouche, celui de «peuple» — montrant par là que le peuple n’est, en effet, qu’un mot et que la première des démagogies consiste à faire croire à telle ou telle catégorie sociale qu'elle forme un peuple.
lundi 9 novembre 2020
De la démagogie en Amérique
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