Notre démocratie ne doit pas se contenter de confier l’écriture de l’histoire aux historiens et laisser aux citoyens le soin d’en prendre connaissance par eux-mêmes. Comme bien du mal a été perpétré au cours des âges et qu’on ne peut défaire ce qui a été fait, il faut regarder le passé d’un autre œil, et ce, à travers ce qu’il en reste, à savoir les œuvres d’art, au sens large, des plus anciennes aux plus récentes, et juger si elles peuvent être destinées au public. Des exemples: sachant que la construction des pyramides causa des milliers d’accidents mortels chez les esclaves qui en empilèrent les pierres, que le Colisée fut le théâtre d’atrocités, que Molière fit preuve de sexisme dans Les Précieuses ridicules, que le marquis de Sade fut autant pervers dans ses ouvrages que dans sa vie, que John Ford montra les Indiens sous un jour détestable, que Visconti tourna un film pédophilique avec sa Mort à Venise, etc., sachant, donc, le mépris des anciens rois bâtisseurs pour la vie humaine et les turpitudes que les artistes exhibent dans leurs œuvres (quand ils ne s’y adonnent pas dans leur vie), la décence oblige de ne plus les désigner comme des références culturelles majeures. Pour que l’expression: «Plus jamais ça!» prenne tout son sens, la rigueur exige même qu’on aille jusqu’à effacer les traces matérielles de «ça»: raser les pyramides, le Colisée, mettre au rancart Molière, Sade, Ford, Visconti et tant d’autres artistes offensants. Mais notre démocratie ne doit pas simplement déboulonner la statue du passé, elle doit élever celle de l’avenir, faire en sorte que le Bien supplante le Beau dans le marbre. Il serait temps d’instituer un Comité d’éthique artistique — comme il existe un Comité d’éthique scientifique —, voué à établir une normalité du Respect et de la Compassion dans les domaines de la littérature, des arts plastiques, du théâtre, du cinéma, etc. Pareil Comité, composé de féministes, d’anti-racistes, de personnes connues pour leur sexualité saine, n’aurait pas seulement pour objectif de surveiller le contenu des œuvres pour préserver les citoyens de mauvaises pensées, mais, surtout, de se renseigner sur les mœurs de leurs auteurs — ce qui supposerait l’aide précieuse de la justice. Bien sûr, les beaux esprits ne verraient dans cette salutaire institution qu’un organisme de censure. Laissons-les ricaner et, quand cette commission verra enfin le jour nommons-la SPA: Société Protectrice des Âmes.
SPA : Société protectrice des ânes, c'est pas mal aussi !
RépondreSupprimerJean Jacques ROUSSEAU : « Voyez comme pour multiplier ses plaisanteries, cet homme - Molière - trouble tout l’ordre de la Société ! avec quel scandale il renverse tous les rapports sacrés sur lesquels elle est fondée, comme il tourne en dérision les respectables droits des pères sur les enfants, des maris sur leurs femmes, des maîtres sur leurs serviteurs ». Lettre à d’Alembert sur les spectacles.
RépondreSupprimerCher Pierre,
SupprimerC'est Rousseau qui voulait aussi, dans son Émile, que l'on interdise la lecture des fables de La Fontaine aux enfants afin de ne pas leur offrir une vision pessimiste de l'humanité et de la société. Une figure tutélaire de la SPA, ce bon Jean-Jacques.