samedi 25 juin 2011
Honneur aux rampants
L’autre jour, (me)baguenaudant dans Biarritz mon ennui à la boutonnière, je passe devant la Maison de la Presse — qui est aussi une librairie. J’y entre afin d’inspecter, mais sans but précis, les étalages. Je tombe sur un titre: (Le)Rire de résistance. Il s’agit d’une compilation de bons mots d’une foultitude d’auteurs établie par Jean-Michel Ribes. La quatrième de couverture explique que dans ce recueil « sont salués ceux qui, comme dans le tome I du Rire de résistance, se sont opposés à toutes les hégémonies par un rire en éclats.» Rien que ça. In petto, je me bidonne. Il y a de quoi. Ribes, résistant ? À qui, à quoi ? Pas à l’avancement de carrière, en tout cas. En novembre 2001, Catherine Tasca, ministre de la culture, et Bertrand Delanoë, maire de Paris, ont nommé ce type directeur du Théâtre du Rond Point. En 2007, il a été fait Chevalier de la Légion d'Honneur et, en 2010, officier des Arts et Lettres. Bref. Je feuillette le bouquin et… sapristi ! je tombe sur un de mes aphorismes extrait du Traité du cafard. Foutre ! Tonitruai-je toujours in petto. Le señorito a osé me faire ça ! En sortant de la boutique, je me suis juré que si je le croisais un jour dans Paris je lui ferais bouffer ses lunettes, ses décorations, et avaler son rire de reptation.
Encore un rebelle reconnu par Paris.
RépondreSupprimerEst-il aussi fort en avancement de carrière qu'en sélection d'aphorisme ?
RépondreSupprimerLequel a-t-il donc retenu ?
Celui qui figure en quatrième de couverture.
RépondreSupprimerL'hommage du vice à la vertu, comme on dit - encore que vertu, ma foi, il y a mieux comme hommage.
RépondreSupprimerSinon, j'ai appris dans ce billet, et vous m'en voyez tout chose, que baguenauder n'était pas forcément pronominal.
Hé ! Cher Joël ! Fallait-il que je me baguenaudasse ? Vais vérifier illico auprès de Liteul Bob.
RépondreSupprimerBon. Liteul Bob dit que je peux. Mais la forme pronominale est préférable. Je vais donc corriger.
RépondreSupprimerMoi, j'ignorais même que l'on pouvait. Par chez nous, on ne l'utilise qu'avec son pronom - mais c'est un mot du sud, que nous connaissons peu (et d'évidence mal) au dessus de Valence.
RépondreSupprimer"Rire de reptation". Cela veut dire que ce monsieur résiste en se tortillant de rire aux pieds du pouvoir.
RépondreSupprimerL'habit fait le moine rieur, le négligé du grandthéâtreux dévoile le plagiaire des bacs à sables.
RépondreSupprimerSi je croise, cher Frédéric, le ventripotent dans les rues d'Avignon, je lui réserve quelques piques et flèches.
Bel été.
Philippe Chauché
Cher Philippe, si par un après-midi brûlant vous flânez sans but précis du côté du bar du progrès, permettez-moi de vous inviter à boire un thé à la menthe à la santé du Doctor Schiffter. Aucune chance de tomber sur le rampant de ce côté-çi.
RépondreSupprimerCe serait un peu notre Festival balnéaire à Saint-Ruf.
Mais peut-être de ces heures serais-je à La Plantación...
Monsieur,
RépondreSupprimerJe vous ai entendu sur France-culture, dans des émissions avec R.Enthoven et vos propos dans la série sur Clément Rosset m'avaient interrogé... Une distance respectueuse, une liberté de pensée que votre considération pour cet auteur ne paralysait nullement ont retenu mon attention. Je ne savais pas que vous aviez un blog mais il est maintenant dans mes marque-pages.
Bien à vous,
Soluto
S'est-il au moins autocité, le père Ribes, dans son ouvrage ?
RépondreSupprimerLà, on pourrait vraiment se moquer de son bovarysme.
Mais s'il ne se range pas lui-même parmi les "résistants par le rire", avec un peu de bienveillance (qui n'est pas moins jouissive que la moquerie), on peut considérer ce livre d'hommages comme une illustration du principe : "ce qu'on est, on le vit ; ce qu'on voudrait être, on l'écrit".
En tant que comingaoût, ça reste drôle, mais finalement peut-être pas plus que n'importe quel livre, non ?
En tout cas, s'il avait ouvert le Traité du cafard, au lieu de se contenter du 4e de couverture, il aurait pu citer :
RépondreSupprimerLa supériorité ontologique de l'inorganique sur l'organique ? Le premier ne pue pas.
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Celui qui s'ennuie devrait se consoler à l'idée que sa santé va bien. La souffrance occupe. L'agonie est le plus sûr des passe-temps.
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J'approuve tout Schopenhaueur, hors son goût pour les caniches.
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Je n'ai jamais lu Michel Foucault ni Marguerite Duras parce que l'un et l'autre portaient un col roulé...
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Je suis un romantique conquis par l'exotisme de la routine.
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Les gens font des enfants sans penser au voisinage.
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Je n'ai pas le courage de mes opinions. Je dis simplement ce qui me traverse la rate.
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On traduit "philosophie" par "désir de sagesse". "Attrait du vide" serait plus exact.
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En soi, le beau n'existe pas. Les chefs-d'oeuvre de l'art sont là pour nous le rappeler.
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Quand on veut m'être désagréable, on me trouve un faux air de Bernard-Henri Lévy. Quand on veut m'être agréable, on souligne ma ressemblance avec Sami Frey.
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Tout l'art du philosophe est de faire croire que sa pensée dépasse les mots.
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Eduquer, gouverner, soigner ; autant d'activités vouées à l'échec, selon Freud. Toutes trois, en effet, sont des variantes de l'amour.
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A ma manière, je suis un sage. Je me défais très aisément des illusions des autres.
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etc...
En recopiant les extraits ci-dessus, je me suis dit que la plus grosse erreur de Ribes (s'il faut vraiment lui en chercher une) est peut-être d'associer "rire" et "résistance"
RépondreSupprimerJe trouve en tout cas pour ma part bien plus drôles les propos qui consentent au tragi-comique de la vie telle qu'elle est que ceux qui prétendent s'y opposer.
Pas vous ?
Cher Vincent,
RépondreSupprimerAssocier le rire à la résistance, c'est bête. C'est bouffon. Exactement ce que ce Ribes est, avec ses breloques accrochées par le souverain à sa boutonnière.
En relisant les aphorismes du Traité du cafard que vous citez, je me rends compte que j'eusse pu intituler cette babiole : Invitation à la démission.
Bien à vous.