Ben Ali s’est carapaté ce ouiquinde en loucedé à Jeddah. À l’évidence, les Tunisiens ne s’attendaient pas à une victoire de la rue si rapide. Les voilà comme désemparés. J’ignore quel sera le prochain homme fort du pays, mais il doit se montrer prudent. Il serait périlleux pour lui qu’il s’avançât franchement comme candidat au pouvoir. Les gens n’ont pas encore dessoûlé. Ils sont toujours dans l’ivresse du soulèvement qui leur donne l’illusion euphorique de la puissance. Voilà pourquoi, celui qui deviendra leur maître doit d’abord se faire accepter comme leur chef, un chef qui saura traduire et flatter leur désir de souveraineté démocratique, nationale, etc. On commande à la multitude non tant en la confortant dans le sentiment qu’elle a une âme, des aspirations, un idéal, bref, qu’elle forme un peuple, car cela elle est prompte à s’en persuader spontanément, mais, surtout, qu’elle va être un exemple d’émancipation pour le reste du monde. Il y aura en France des intellectuels pour propager ce conte rose.
Dans le même temps où les Tunisiens se réjouissent de la fuite de leur tyran, les Haïtiens, certains d’accueillir un sauveur, célèbrent avec des vivats le retour de celui qu’ils chassèrent il y a vingt-cinq ans, Bébé Doc — à côté de qui Ben Ali fait figure d’humaniste bêlant. Le retour du même, n’est-ce pas ce qu’on appelle une révolution ?
Comme vous êtes pessimiste, Monsieur Schiffter !
RépondreSupprimerJe pense que Jean-Claude a changé, il a mûri, la preuve: "Il a demandé pardon au peuple haïtien pour les erreurs commises pendant son règne".
Il suffit donc de remplacer mentalement "erreurs" par "atrocités", et voilà le corps du Christ.
Il est fort probable que les indigènes du prosaïque (merci pour la formule, je l'adore) de la terre entière, emportés par la vision d'une concorde planétaire, forment enfin des ribambelles de guirlandes cosmiques et que chacun sautille. Mais il n'est pas impossible non plus qu'ils suppriment également le chaos à grands coups d'amendements. Ah !
Vivement demain: on dansera.
Cher Monsieur Schiffter,
RépondreSupprimeril serait inutile de vous rappeler ce qui était encore impossible en Tunisie avant cette étonnante victoire de la rue. Vos livres, auxquels je voue une admiration critique, ainsi que votre blogue que je considère comme une récréation journalière, sont de jolies fleurs de la démocratie, c'est-à-dire d'une certaine liberté d'expression. Je me réjouis qu'avec votre esprit de finesse, tel un de ces caniches chers à Schopenhauer, vous pissiez dessus religieusement. Ne souhaitez-vous pas, vous aussi, que les tunisiens puissent bientôt avoir le privilège d'en faire autant ?
Avec tous mes voeux pour cette année 2011.
Guillaume
Cher Guillaume,
RépondreSupprimerJe vais à l'instant vociférer des "youyous" enthousiastes. Tiens je me lance : YOUYOU ! YOUYOU ! YOUYOU !
Quand il faudra hurler de " À bas ! À Bas ! À bas !" , faites-moi signe.
Bien à vous,
F.S.
Prisonniers de guerre en Allemagne nazie, Lévinas et ses compagnons avaient baptisé "Bobby" le dernier kantien de l'époque. A vous entendre manifester votre enthousiasme tout fou, un eurêka me traverse l'esprit. Dorénavant, je vous surnommerai "Freddy".
RépondreSupprimerBien cordialement,
Guillaume
Je vous renverrai la politesse en vous appelant Ducon — votre vrai nom.
RépondreSupprimerLa servitude volontaire... je crois en effet qu'ils vont échanger un dictateur pour un autre .
RépondreSupprimerLa démocratie est une abstraction qu'on cherche à atteindre au plus près et ce depuis des milliers d'années . Des siècles pour que des démocraties en devenir atteignent le niveau actuel . Les USA , la France , l'Angleterre et autres ... alors quand on espère une démocratie occidentale de pointe dans un pays sans un minimum de passé démocratique , je suis sceptique . Pas que je n'espère pas mais l'Histoire est une cruelle maîtresse !
Bien du plaisir mais le jugement sur la question sera rendu dans un an ou deux . On verra alors pour les YOUYOU !