vendredi 27 mars 2020

De la distanciation sociale des écrivains


Choses vues hier lors de la promenade permise

Je lis ici et là des attaques visant des «journaux de confinement» publiés dans la presse, comme ceux de Leila Slimani ou de Marie Darrieussecq, accusées d'y étaler «leurs privilèges de classe». Je n’ai jamais lu ces romancières. Par curiosité, j’ai jeté un coup d’œil dans les pages de Marie Darrieusecq parues dans Le Point. En quelques lignes ma doctrine à son sujet était arrêtée. Je pensais que cette auteuse n’avait pas de talent or, maintenant, c’est différent, j’en suis convaincu. Cependant, à propos des critiques adressées à ces deux bas-bleus, on notera qu’elles viennent de gens appartenant soit, comme elles, au milieu de l’édition, soit à la classe moyenne semi-cultivée toujours prompte à se scandaliser à propos de tel ou tel sujet pour étaler sa belle moralité — comme on l'a vu lors de l'attribution du César à Roman Polanski. On notera aussi que ce sont des cadres du secteur culturel, de la gauche radicale à la droite populiste, qui font grand usage du grief de «mépris de classe» à l’encontre de leurs homologues, comme si, dans cette catégorie sociale bien rémunérée et subventionnée, d’aucuns éprouvaient la mauvaise conscience de n’avoir pas campé avec les Gilets Jaunes sur les ronds-points périurbains. À mes yeux, la critique d’un texte littéraire ne peut être que littéraire, non morale ou politique. J’ajouterai qu’un écrivain au travail n’est solidaire de personne, qu’il observe de lui-même une distanciation sociale radicale à l’égard de ses concitoyens en se claquemurant dans sa tour d’ivoire fût-elle dans un immeuble ou une thébaïde. Pour évoquer Montaigne, on ne peut que se réjouir qu’il ait fui sa bonne ville de Bordeaux en pleine épidémie de peste, car ainsi, confiné dans son château, il eut tout loisir d’écrire les Essais, modèle de journal de bord en temps de catastrophe.    

7 commentaires:

  1. Si vous tenez à féminiser "auteur", c'est "autrice", qui existe depuis des siècles, qu'il faut utiliser.

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  2. Dans le cas qui nous concerne, auteuse semble plus adéquat puisqu'il rime avec liseuse et pondeuse. Par ailleurs auteure sonnerait mieux qu'autrice qui ne rime à rien.

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  3. Cher Frédéric, je profite de ce confinement pour lire "On ne meurt pas de chagrin" que je n'avais pas eu le temps de lire... je voudrais juste vous dire "Merci pour ce moment" pour paraphraser une courtisane célèbre.

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  4. Ces écrivains qui pensent comme l'air du temps leur demande de penser... Décidément, je préfère Iñaki Uriarte. L'esprit de finesse, l'agudeza espagnole. Je me méfie toujours de ces écrivains qui ont leur rond de serviette sur tous les plateaux TV...

    "Passage du temps.
    « On m’a dit que j’étais très belle. »
    « On m’a dit que j’étais encore jeune. »
    « On m’a dit que mes os sont dans un bien meilleur état que ce que l’on est en droit d’attendre à mon âge. » Iñaki Uriarte – Bâiller devant Dieu.

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  5. "Il y a du repentir dans le cas des intellectuels bourgeois qui veulent expier leurs origines. Fût-ce au prix de la contradiction et de la violence faite à leur intelligence". 30 juin 1952. Lettre de Camus à Sartre, directeur des Temps Modernes

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  6. Les courtisans et les courtisanes des pouvoirs en place.

    Un bel exemple de "miss la moraline" en la personne de Leïla Slimani.

    "Les confitures à la moraline de Leïla Slimani" de Thomas CLAVEL

    https://www.bvoltaire.fr/les-confitures-a-la-moraline-de-leila-slimani/

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