samedi 19 mai 2018

Otium cum litteris — XII

Gabriela Manzoni

«Si j’ai un jour arrêté d’écrire, c’est parce que, simplement, je me suis mis à douter de tout. De moi, du sens de mon travail et de l’intérêt des livres en général. Quand on se met à réfléchir à ce genre de problèmes, cela signifie qu’on a déjà basculé de l’autre côté. Publier demande un minimum de foi, d’orgueil et d’aveuglement. Or, je ne possède plus aucun de ces sentiments énergétiques. Je n’ai plus la vitalité ou l’innocence qui permet d’avancer d’un jour sur l’autre, de passer d’une phrase à la suivante. Tout au plus suis-je désormais capable de décrire les symptômes de ma paralysie, de me livrer moi-même à une médiocre autopsie de ma vie. Alors quand un individu dans votre genre me demande le pourquoi de mon retrait, j’invoque systématiquement la paresse. Je n’ai jamais fait partie, cher Hans, de ceux qui croient que l’écriture est une activité noble. Un romancier n’a jamais été pour moi autre chose que le résultat d’un croisement hybride entre un grammairien et un concessionnaire Toyota. Je me comprends.»
Jean-Paul Dubois Kennedy et moi