«[…]Je
suis né en 1956 — l'année où Cioran publie La Tentation d’exister. Une croyance africaine prétend que naître
c’est remplacer un mort. De qui, alors, sommes-nous le successeur ou le
succédané? Impossible de le savoir. Tout au long de notre vie, les mânes
d’un être inconnu collent à notre carcasse. Elles ne se détachent de nous que
lorsque nous mourons et sans doute ne s’anéantissent-elles qu’à ce moment-là.
Je ne saurais dire si je portais un fantôme en moi en venant au monde. En
revanche, celui de mon père me hante depuis plus de quarante ans. Il a disparu
de ma vie quand j’avais neuf ans — corps et âme. J’ai derrière moi un demi
siècle de tristesse, ce qui représente une honnête carrière de philosophe
sentimental […]».
In Le Charme
des penseurs tristes