Quiconque se regarde dans son miroir avec l’attention d’un peintre expressionniste, voit un crâne qui s’essaie à des mimiques sous le masque d’une chair provisoire et comprend qu’avoir forme humaine est en soi une exagération. Il y voit aussi, peut-être, l’image d’un prochain trop proche qui lui sort par les yeux et dont il désire anéantir la présence. Geste difficile, à en croire Sylvia Plath, qui, lassée de cohabiter avec elle-même dans sa « cloche de détresse », aurait aimé se suicider à la manière d’un philosophe romain, en s’ouvrant les veines dans un bain chaud, mais recula devant la glace à pharmacie de sa salle de bain. « Quand il fallut passer à l’acte, écrit-elle, la peau de mes poignets semblait si blanche, si vulnérable, que je ne pus me résoudre à le faire. C’était comme si ce que je voulais tuer ne résidait pas dans cette peau blanche, ou sous le léger pouls bleuté qui palpitait sous mon pouce, mais quelque part ailleurs, plus profondément, plus secrètement, beaucoup plus dur à atteindre. » Que le rasoir n’atteigne pas l’être qu’il faut saigner, voilà qui confirmerait la croyance en l’immatérialité de l’âme, mais ce serait négliger l’efficacité létale du gaz domestique combinée avec l’absorption de barbituriques.
Mon précédent article, Blabla à vendre, vous a fait couiner. Vous m’avez écrit des commentaires enragés et, comme souvent, charabiesques. J’en ai laissé passer un ou deux, j’ai censuré les autres.
Quel est mon crime, à vos yeux ? D’être effectivement ce que, ouvertement, je déclare être, à savoir un philosophe sans qualités. Tout se passe comme si je devais démentir ce que j’affirme, faire un effort et correspondre à l’idée que vous vous faites d’un philosophe digne de ce nom — semblable à l’un de ces camelots tel que j’en parodie la posture magistrale dans mon petit récit.
Je ne sers aucun baratin édifiant et lénifiant — ce que vous appelez une éthique —, autant dire que je ne me paye la tête de personne, mais, pour cela même, vous m’en voulez.
Ce que vous désirez, c’est être bluffés et qu’on vous bluffe. Vous cherchez un maître qui vous fasse avancer dans la connaissance de vous-mêmes afin que vous puissiez atteindre à la béatitude, à la connaissance intellectuelle de Dieu, à l’ataraxie, à la surhumanité, aux grandes vertus, turlututu. Comme si vous étiez des individus intéressants à connaître, même à vos propres yeux ! Vous vivez de manière indécente en dessous du seuil de pauvreté intellectuelle. Quelle cible de choix vous faites pour les marchands de sagesse !
Si vous aviez ouvert les Essais de Montaigne vous sauriez que, dès la première page de son œuvre, le bonhomme écrit ceci à l'adresse de son lecteur : "[Dans ce livre], je n'y ai nulle considération de ton service". Autrement dit, en version longue pour les durs de la jugeote : "Lecteur, mon livre ne sert à rien, ni à personne. Il ne t'apprendra ni à vivre, ni à mourir, ni à atteindre le bonheur, etc. Je laisse cela aux habiles doctrinaires qui ont toujours un vaste public de jobards pour les admirer et les croire. Mes essais consistent en une conversation. Un bavardage entre toi et moi. Cela te plaît ? Tant mieux. Cela te défrise ? Tant pis."
Voilà, chers détracteurs, pourquoi vous ne retirerez rien d'utile de mes divagations. Montaigne était mon aïeul. Mon maître en désinvolture.
« Le lion a ses dents et ses griffes ; l’éléphant et le sanglier ont leurs défenses ; le taureau a ses cornes ; la seiche a son encre qui lui sert à brouiller l’eau autour d’elle. La nature n’a donné à la femme […] que la dissimulation ; cette faculté supplée à la force que l’homme puise dans la vigueur de ses membres et dans sa raison. La dissimulation est innée chez la femme, chez la plus fine, comme chez la plus sotte. […] De cette tare fondamentale, naissent la fausseté, l’infidélité, la trahison, l’ingratitude, etc. Les femmes se parjurent en justice bien plus souvent que les hommes et ce serait une question de savoir si on doit les autoriser à prêter serment.»
« Il y a encore de nombreuses autres futilités qui ne dépendent pas directement du farniente et qui néanmoins ont une grande affinité avec lui et requièrent ce goût raffiné pour la vacuité. Parmi celles-là il me semble que le surf est une des principales, car il a une certaine ressemblance avec la promenade. Il est véritablement un plaisir de grand seigneur du loisir et il convient au gentilhomme balnéaire. On comprend donc pourquoi chez les anciens, le surf était fort en usage. »